Coenonympha oedippus (Fabricius, 1787) – Fadet des Laîches, Œdipe

 

Bouteloup R. 2012

 

Soulet D. 2012

 

Bouteloup R. 2012

 

Leenknegt V. 2013

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Synthèse : Caubet Simon ; Gourvil Pierre-Yves et Soulet David
CEN Aquitaine

Version mise à jour le 25/04/2019

Citation : Caubet S., Gourvil P-Y. et Soulet D., 2019. Coenonympha oedippus (Fabricius, 1787) – Fadet des Laîches, Œdipe. Référentiel technique du Plan Régional d’Actions en faveur des Lépidoptères d’Aquitaine. https://pral.cen-aquitaine.org/

BIOGEOGRAPHIE

HISTOIRE PHYLOGEOGRAPHIQUE

Le genre Coenonympha est originaire des montagnes d’Asie centrale (Kodandaramaiah & Wahlberg, 2009). L’espèce est arrivée en France depuis l’Europe centrale et la Russie lors du dernier interstade (Alleröd)  de la glaciation weichselienne (environ -10 000 ans) (Lhonoré, 1998 ; Kolar, 1929). Son caractère arctico-alpin lui a permis de passer la dernière glaciation en trouvant refuge dans le piémont et le Sud des Alpes avant de remonter la vallée du Rhône et la Suisse. D’autres îlots se situaient déjà dans le Sud-Ouest de la France (40, 64) et même peut-être au nord de l’Espagne (Non vérifié) : ils seraient remontés vers le Nord-Ouest de la France jusqu’au bassin parisien (Lhonoré, 1998).

De répartition Euro-Sibérienne (Kudrna & al., 2015), l’espèce est considérée d’origine boréo-alpine (Lhonoré, 1998) et nécessitant des conditions météorologiques strictes : des hivers froids et neigeux (25-30 j de neige ou gel/an).

AIRE DE REPARTITION

Monde

Eurasie tempérée depuis la France (Pyrénées) jusqu’au Japon (Lafranchis, 2015), en passant par l’Oural, la Sibérie (Sud et Ouest), le Kazakhstan (Nord), la Mongolie et la Chine (Tolman & Lewington, 2008).

Europe

C. oedippus est réparti des Pyrénées aux Alpes, entre le 43ème et le 48ème degré de latitude, et de la Pologne jusqu’à l’Oural, principalement de la plaine jusqu’à des altitudes maximales de 1 300 m (Lhonoré, 1998 ; Wiemers, 2007). Une modélisation climatologique de probabilité de présence de l’espèce révèle que l’aire qui lui est favorable est restreinte, en Europe, à une bande étroite allant de la France jusqu’à l’Ouest de la Biélorussie (Bocquet, 2015). Quant aux habitats qui lui sont  favorables, ils ne représenteraient que 3,93% de la surface européenne (Celik & al., 2013) et seraient répartis de façon très fragmentée avec des populations isolées (Kudrna, 2002 ; Van Helsdingen & al., 1996).

Noyaux principaux de population :

  • Sud-Ouest de la France (ex-Aquitaine),
  • Nord de l’Italie (Wiemers, 2007),
  • Ouest de la Slovénie (Lafranchis, 2015).
  • Pays où l’espèce est considérée comme éteinte (Wiemers, 2007) :
  • Allemagne,
  • Slovaquie,
  • Bulgarie.

Dans les autres pays, les populations qui persistent sont rares et isolées (Wiemers, 2007) :

  • Suisse,
  • Liechtenstein,
  • Autriche,
  • Est Slovénie,
  • Hongrie,
  • Pologne.

En Espagne, les citations connues de l’espèce ont été récemment remises en question (Galante, 2012) et l’espèce est considérée comme absente de la faune espagnole.

France

En France, les populations sont très dispersées (Lhonoré, 1998). Elles sont localisées dans le Sud-Ouest (ex-Aquitaine), dans les pays de la Loire (Sarthe) et en Rhône-Alpes (Isère) avec bien souvent un effectif très restreint (Bensettiti & Gaudillat, 2002 ; Lhonoré, 1998).

Les seules populations stables sont localisées en Gironde et dans les Landes, dans la région naturelle des Landes de Gascogne, constituant également les populations les plus importantes de l’Europe communautaire (Bensettiti & Gaudillat, 2002).

REPARTITION EN AQUITAINE

L’ex-Aquitaine constitue le bastion national de C. oedippus. La densité de stations de présence et leur relative proximité permet à de nombreuses populations d’être encore connectées entre elles : il est encore possible de parler de métapopulations présentant un certain niveau de résilience et de viabilité (Gourvil & al., 2016).

Cela dit, en ex-Aquitaine, la répartition de C. oedippus présente de grandes disparités géographiques sur l’ensemble des départements (Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde, Dordogne et Lot-et-Garonne). La très grande majorité des stations sont localisées dans le département des Landes et de la Gironde.

Un état des lieux réalisé dans le cadre du programme régional sur les lépidoptères d’Aquitaine (Bertolini & al., 2013) mené sur des données récoltées entre 2006 et 2012 et complété par la synthèse du pré-atlas des rhopalocères et zygènes d’Aquitaine (Gourvil & al., 2016), a permis d’obtenir un vision globale de la répartition de C. oedippus sur le territoire aquitain.

Plusieurs entités se distinguent :

  • Massif des Landes de Gascogne : le bastion de l’espèce en Aquitaine et en Europe
  • Massif de la Double Saintongeaise et de la Double Périgourdine
  • Chalosse

En dehors de ces grandes entités, des populations plus isolées et abritant de plus faibles effectifs sont notées. C’est le cas notamment dans la forêt de Bessède (24), dans la plaine du Béarn et du Pays Basque.

Il faut noter qu’une importante métapopulation se maintient sur plusieurs centaines d’hectares, dans un complexe de landes humides du plateau de Ger (64), dans l’emprise d’un camp militaire situé à cheval sur les départements des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées Atlantiques (Déjean, 2014, Soulet, 2013). .

Limite Sud : La présence d’isolats en plaine béarnaise ou basque indique qu’il pourrait exister d’autres stations abritant des populations réduites dans ces secteurs.

Limite Nord : La répartition de l’espèce ne se cantonne pas à l’ancienne Région Aquitaine et se poursuit en Poitou-Charentes. Des précisions restent à apporter au Nord de la Saintongeaise et en Charentes pour mieux définir les contours de l’aire de répartition.

En Aquitaine, l’espèce se rencontre uniquement en plaine et à une altitude inférieure à 500 m. (Gourvil & al., 2016).

PHYLOGENIE

A l’échelle européenne, il existe 9 populations génétiques (clusters) différentes de C. oedippus (Henniaux, 2016) :

  • un cluster « Pologne » ;
  • un cluster « Allemagne-Liechtenstein » ;
  • deux clusters pour les « milieux secs de Slovénie » ;
  • un cluster « Italie-Slovénie » (génétique graduelle continue) ;
  • un cluster « Italie de l’Ouest » (pour certaines populations seulement) ;
  • un cluster « Lavours-Chautagne » (Rhônes-Alpes, Sud-Est France) ;
  • un cluster « Montfort » (Isère, Sud-Est France) ;
  • un cluster « Aquitaine-Poitou » (Sud-Ouest France).

Source : HENNIAUX, 2016

 

Les populations du Sud-Ouest de la France sont isolées génétiquement des autres populations (Henniaux, 2016; Nève & al., 2014) et présentent une génétique relativement peu diversifiée par rapport aux autres populations européennes (Henniaux, 2016). Un constat surprenant au regard du grand nombre de populations échangeant encore entre elles (Roques, 2014). Une explication serait que les populations aquitaines fonctionnent en métapopulations isolées depuis longtemps alors que les autres populations européennes échangent probablement encore entre elles des flux d’individus ou ont été « récemment » isolées (Henniaux, 2016). L’espèce aurait subit une première divergence entre la population française et les autres populations il y a environ 66 000 ans (dernier maximum glaciaire), puis les lignées atlantiques et occidentales se seraient séparées il y a environ 6 000 ans (DESPRÈS & al., 2018).

Au sein du cluster « Aquitain-Poitou », une étude génétique des populations de C. oedippus (Nève & al., 2014) a mis en évidence :

  • une grande diversité génétique et morphologique entre les populations ;
  • un gradient génétique Nord/Sud ;
  • une séparation génétique entre les populations de Dordogne (24) et celles des Landes (40) révélant une rupture d’échange.
  • Le site de Mées (40) abrite une diversité génétique importante, abritant deux groupes génétiques identifiés, ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’une population « puit » ;

La prise en compte des spécificités génétiques observées en Aquitaine est donc primordiale pour la sauvegarde de la diversité des populations aquitaines. Le développement de mesures favorisant la connectivité entre métapopulations serait pertinent à l’échelle de ce territoire.

A noter qu’une analyse morphométrique des ailes de C. oedippus entre les populations alpines française et les populations aquitaines a mis en évidence des différences de surfaces des ocelles et de distances inter-ocelles (Nève & al., 2014).

ECOLOGIE

PLANTES-HOTES

La principale plante-hôte du Fadet des Laîches est la Molinie bleue (Molinia caerulea ; Celik & al., 2014 ; Bertolini & al., 2013 ; Dierks, 2006 Lhonoré, 1998), la littérature étant unanime quant à son rôle de plante nourricière pour les chenilles. Les autres espèces recensées peuvent être des spécificités autoécologiques plus ou moins locales.

En Aquitaine, deux autres espèces sont citées mais leur statut de plante-hôte reste controversé selon les auteurs :

  • Choin noirâtre (Schoenus nigricans L., 1753) (Lhonoré, 1999) ;
  • Avoine de Thore (Pseudarhenatherum longifolium (Thore) Rouy, 1922) (Dierks, 2006) ;

Selon Dierks (2006),  le Choin noirâtre (Schoenus nigricans) ne serait pas utilisée par la chenille d’après ces observations réalisées en Gironde, contrairement à ce que dit Lhonoré (1999). Selon Dierks (2006), c’est plutôt l’Avoine de Thore qui constitue la seconde plante-hôte de l’espèce en Aquitaine. .

Au sein de la communauté européenne, les plantes suivantes sont également citées comme plantes-hôtes :

A l’exception de Molinia caerulea, le rôle des autres plantes alimentaires larvaires est discuté : une expérience en laboratoire a montré que lorsque des larves étaient déposées sur Calluna vulgaris, elles ont toujours déménagé sur Molinia caerulea avant de commencer à se nourrir (Bonelli & al., 2010). Calluna vulgaris n’est donc pas une plante alimentaire mais une plante de ponte. Gradl (1945) a réalisé avec succès un élevage de chenilles nourries par Poa pratensis. Plus récemment, Lhonoré (1998) a également mené un élevage ex situ de larves avec plusieurs plantes alimentaires : les plantes acceptées sont Molinia caerulea, Schoenus nigricans et Poa annua ; les plantes « grignotées » sont Carex pendula, et Carex glauca alors que Iris pseudacorus a été refusée. Néanmoins, des suivis in situ de larves ont mis en évidence le rôle important dans leur alimentation de plantes vertes (Carex panicea) à phénologie plus précoce que Molinia caerulea (Braü & al., 2016 ; Celik & al., 2014).

En Aquitaine, in situ, les chenilles n’ont toujours été observées que sur Molinia caerulea (Bertolini & al., 2013) et Pseudarrhenatherum longifolium (Dierks, 2006).

La Molinie bleue possède des exigences écologiques amples de par sa capacité à résister à des périodes d’assecs et/ou d’inondations pouvant expliquer la diversité des habitats dans lesquels est observé C. oedippus.

HABITATS NATURELS

Etats de l’art

D’une manière générale, C. oedippus fréquente des habitats humides peu modifiés à successions végétales tardives mais qui ne sont pas encore dominés par les espèces ligneuses (Celik & al., 2014), à savoir des habitats humides à l’état de climax ou de paraclimax (Bischoff, 1968).

A l’échelle européenne, la majorité des populations actuelles vivent dans des prairies humides semi-ouvertes (Bonelli & al., 2010 ; Brau & al., 2010 ; Celik & Verovnik, 2010 ; Dusej & al., 2010 ; Orvossy & al., 2010 ; Selezniew & al., 2010 ; Sasic, 2010 ; Dierks, 2006).

Les habitats typiques de C. oedippus sont :

Dans le contexte aquitain, les habitats où la fréquence de présence de C. oedippus est la plus élevée sont (par ordre décroissant ; Bertolini & al., 2013) :

  • les landes humides à Molinie,
  • les bas-marais et prairies humides,
  • les Landes à Molinie en sous-bois de plantations de pins mâtures,
  • les landes mésophiles.

Les habitats aquitains abritant des populations de C. oedippus semblent être caractérisés par un fort recouvrement de Molinia caerulea, même en contexte arboré (plantations de pins), un sol avec une bonne humidité et relativement pauvre en nutriments (Bertolini & al., 2013).

L’espèce semble privilégier les habitats de type « lisière » avec des buissons bas intercalés, entourés de haies (Celik & al., 2014 ;  Orvossy & al., 2010). En effet, de nombreuses études mettent en avant le rôle structurant de la strate arbustive basse au sein des habitats favorables (Bertolini & al., 2013;  Orvossy & al., 2013 ; Celik & Verovnik, 2010  ; SASIC & al., 2010). Dans une certaine mesure, la présence d’une hétérogénéité structurelle de la végétation semble favoriser l’espèce. A l’échelle du macro-habitat, les adultes de C. oedippus utilisent l’ombrage des lisières ou buissons arbustifs pour se protéger des températures élevées. A l’échelle du micro-habitat, les larves de C. oedippus bénéficient de la micro-topographie engendrée par la présence de touffes ligneuses naines, notamment d’Ericacées, leur permettant de survivre à des inondations hivernales ou printanières (Orvossy & al., 2013), et de profiter de micro-climats plus secs et chauds au niveau de la litière au pied de ces ligneux bas et des touradons de Molinie (Celik & al., 2014). En Aquitaine, l’espèce fréquente même des zones avec une strate arborescente haute et clairsemée avec des sous-bois clairs (cf. « Cas particulier du massif landais » ; Bertolini & al., 2013).

Il reste nécessaire d’être prudent sur les corrélations entre le couvert forestier et la favorabilité des habitats de C. oedippus. En effet, dans les Landes de Gascogne, les plantations de pins sont implantées majoritairement sur des (ex-)landes à molinie. Il est donc fréquent de rencontrer des populations de C. oedippus dans des contextes boisés, dès lors que la densité du peuplement (liée à la maturité et à l’avancement des éclaircies) et les conditions stationnelles permettent le développement d’habitats favorables. Autrement dit, il est possible que des milieux favorables se développent entre deux exploitations, par la réinstallation puis la relative stabilité des communautés herbacées, ainsi que par l’ouverture de la strate arborée (en début ou en fin de cycle forestier).

La littérature mentionne également certains écotypes liés aux habitats secs – prairies, pelouses, éboulis (Celik & Verovnik, 2010 ; Celik, 2003 ; Aistleitner & Aistleitner, 1996 ; Habeler, 1972 ; Bischof, 1968 Kolar, 1929 Kolar, 1919 ; Hafner, 1910 ; Ruehl, 1895). Ces observations, le plus souvent issues de la littérature ancienne, concernent des zones en limite Sud de l’aire de répartition. Cette situation est très marginale puisque les seules populations actuellement connues sur des prairies sèches sont situées uniquement dans les Alpes du Sud (Isère) (Aistleitner & Aistleitner, 1996) et en Slovénie (Celik & Verovnik, 2010 ; Celik, 2003 ; Aistleitner & Aistleitner, 1996) où ne persiste qu’une seule population « hygrophile », les autres populations vivant dans des habitats pauvres et au sein de prairies sèches (Celik & al., 2009b). Des populations en prairies sèches étaient connues dans le Nord de l’Italie par le passé (Bonelli & al., 2010). D’après ses observations dans les  Alpes du Nord, Habeler (1972) pense qu’une telle situation résulte de la destruction des habitats qui a contraint alors les populations à s’installer dans des pentes rocheuses et karstiques.

Cas particulier du massif landais

En Gironde et dans les Landes, l’espèce fréquente les coupes de bois humides envahies par Molinia caerulea (Lafranchis, 2015). Notamment, elle est très présente au sein des plantations de pins où les habitats semi-naturels (e.g. pare-feu) constituent de nombreux refuges et corridors (Van Halder, 2017) et où les vieilles pinèdes possèdent un sous-bois ouvert dominé par Molinia caerulea. (Bertolini & al., 2013).

La présence du Fadet des Laîches en contexte de pinède est dépendante du type de sous-bois. Les sous-bois à Molinie sont privilégiés par l’espèce de même, dans une moindre mesure, les sous-bois à Bruyère ciliée (Erica ciliaris) et Bruyère à quatre angles (Erica tetralix) (Bertolini & al., 2013). A l’inverse, les prospections menées entre 2006 et 2012 ont montré que le Fadet des Laîches était peu présent dans les sous-bois à Ajoncs et Fougères (Bertolini & al., 2013).

D’après les données recueillies (Bertolini & al., 2013), dans un contexte de plantation, le Fadet des Laîches peut être observé dans les jeunes pinèdes et les pinèdes en fin de cycle sylvicole où la lande à Molinie, habitat préférentiel de l’espèce, est suffisamment développée.

Il semble donc que le Fadet des Laîches n’utilise que temporairement les parcelles forestières, uniquement quand le couvert arboré est le moins important. En milieu de cycle sylvicole, lorsque les pieds sont trop nombreux et ne permettent pas une luminosité suffisante du sous-bois, le Fadet des Laîches disparait et se réfugie sur d’autres parcelles favorables présentes à proximité.

Les pinèdes ne constituent donc pas un habitat stable pour l’espèce qui est dépendante du cycle sylvicole.

 Avant tout, le Fadet des laîches reste une espèce de milieu ouvert et majoritairement humide, et une densité trop élevée de ligneux, outre le fait qu’elle traduit souvent un assèchement du sol, entraîne aussi une dégradation de l’habitat de l’espèce.

Caractérisation des habitats naturels typiques

Les Alliances phytosociologiques recensées (Bertolini & al., 2013 ; Selezniew & al., 2010 ; Celik & al., 2009a ; Bensettiti & Gaudillat, 2002 ; Aistleitner & Aistleitner, 1996) sur lesquelles s’observent C. oedippus sont :

  • Calthion palustris (Tüxen 1937) correspondant aux groupements marécageux mésotrophiles à mésoeutrophiles et acidiclines ;
  • Magnocaricion elatae * (Koch 1926) correspondant à des communautés des sols mésotrophes à dystrophes, souvent tourbeux, dominées par des hélophytes des genres Carex ou Cladium;
  • Rhynchosporion albae * (Koch 1926) Pelouses pionnières des tonsures de bas-marais et des gouillles acidiphiles ;
  • Molinion caerulea * (Koch 1926) correspondant aux prairies humides oligotrophes des sols basiques ;
  • Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae (de Foucault 2006) correspondant à des végétations herbacée anthropogène, des lisières et des mégaphorbiaies ;
  • Convolvulion sepium (Tüxen 1947) correspondant aux mégaphorbiaies eutrophisées, planitiaires, médio-européennes plutôt occidentales ;
  • Caricion davallianae (Klika 1934) correspondant aux communautés de bas-marais alcalins médioeuropéens et des montagnes moyennes ;
  • Ericion tetralicis * ( 1933) correspondant à des communautés atlantiques et subatlantiques turfigènes de landes tourbeuses sur sol organominéral, anmoor, faisant transition avec les landes sur sols minéraux humides à Bruyère et Ajonc nain ;

Selon les typologies européennes CORINE Biotopes / EUNIS :

  • 31.1 / F4.1 : Landes humides
    • 31.12 / F4.12 : Landes humides méridionales *
    • 31.13 / F4.13 : Landes humides à Molinia caerulea *
  • 37.31 / E3.51 : Prairies à Molinia caerulea et communautés apparentées.
  • 51.1 / D1.11 : Tourbières hautes actives, relativement peu dégradées
    • 51.11 / D1.111 : Buttes, bourrelets et pelouses des tourbières hautes *
    • 51.13 / C1.46 : Mares des tourbières bombées *
    • 51.14 / D1.113 : Suintements et rigoles des tourbières hautes *
  • 51.2 / D1.121 : Tourbière hautes dégradées, inactives, envahies par Molinia caerulea.
  • 53.3 / D5.2 : Formations à grandes Cypéracées normalement sans eau libre.
  • 54.2 / D4.1 : Bas-marais alcalin
    • 54.21 / D4.11 : Bas-marais à Schoenus nigricans *
  • 54.6 / D2.3H : Communautés des tourbes et des sables humides, ouverts et acides, avec Rhynchospora alba et  Drosera *

: Habitats naturels fréquentés par C. oedippus en Aquitaine

Les landes à Molinie en sous-bois de plantations de pins, plutôt fréquentes sur le territoire aquitain, sont à rattacher aux codes 31.12 / F4.12, voire pour les plus dégradées aux codes 31.13 / F4.13.

Les habitats de prairies sèches observées en Slovénie et en Italie n’ont pas été pris en compte ici au regard de leur spécificité « marginale ».

Surface d’habitats favorables

Aucune étude n’a évalué la surface minimale d’habitats favorables au maintien de l’espèce. Ce critère ne semble pas déterminant pour la survie d’une population par rapport à la composition et la structure de la végétation de la station (Celik & al., 2009b). Un chiffre est donné pour Coenonympha tullia, espèce ayant une écologie proche de C. oedippus, pour l’aire minimale pour une population viable : entre 1 et 2 ha (PAN, 2006b).

Dans la littérature, la surface minimale notée concernant une population viable est de 0,38 ha en Slovénie (Celik & al., 2009b). La station la plus grande observée est de 90 ha en Hongrie (Selezniew & al., 2010).

BIOLOGIE DE L’ESPECE

PHENOLOGIE

Imagos

Le Fadet des Laîches est une espèce univoltine.

Diagramme phénologique en cours de construction.

Les populations annuelles suivent un développement protandre : les mâles apparaissent quelques jours plus tôt que les femelles et atteignent par conséquent leur densité maximale avant les femelles. (Després & al., 2016 ; Orvossy & al., 2010 ; Sasic, 2010). Cette éclosion précoce des mâles minimise la consommation d’énergie des femelles et des menaces de prédation avant la reproduction, les mâles disposant d’assez de temps pour chercher des femelles (Ehrlich, 1989).

A noter que deux cas particuliers de « deuxième génération partielle » ont été observés en Italie : un individu frais a été observé en septembre 2003 et un autre à la mi-août 2008 (Bonelli & al., 2010). Aucune autre observation similaire n’est mentionnée ailleurs en Europe. Pour l’heure, rien ne permet de savoir s’il s’agissait d’une deuxième génération ou d’une émergence tardive. Deux hypothèses peuvent être formulées : (i) les années particulières marquées par la sécheresse peuvent engendrer une deuxième génération ou une émergence tardive, soit (ii) la disponibilité de la plante alimentaire larvaire verte est immédiate ce qui permet une dynamique précoce et par conséquent une possible deuxième génération (Bonelli & al., 2010).

Les femelles pondent des œufs dès la fin juin (Orvossy & al., 2010). Les œufs sont verts ornés de 36 à 40 côtes (Lafranchis, 2015; Gradl, 1945).

Œuf de Fadet des Laîches (Bouteloup R., 2012)

Chenilles

Les larves éclosent au bout de 2 à 3 semaines (Lafranchis, 2015 ; Orvossy & al., 2010) une fois que les œufs sont devenus gris perle (Lafranchis, 2015 ; Gradl, 1945). Les chenilles entrent en diapause à partir de fin août (variable selon la zone géographique et pouvant s’étendre jusqu’en octobre) et reprennent leur activité en avril (Lhonoré, 1998).

Pendant la journée, la chenille peut rester accrochée à l’intérieur d’une feuille repliée ou s’abriter à la base des herbes (Lhonoré, 1998). Elle s’alimente principalement la nuit (Lhonoré, 1998) et boit la rosée du matin (Lafranchis, 2015). Le rôle de la rosée matinale est indispensable dès le premier stade larvaire, un assèchement du milieu trop important peut lui porter préjudice, la poussant à descendre au sol où elle ne se nourrira plus et se déshydratera (Lhonoré, 1998). Elle restera active jusqu’à fin septembre/début octobre (Lafranchis, 2015 ; Lhonoré, 1998).

Puis la chenille s’isole sur une feuille, ne s’alimente plus pendant 2 à 3 jours (Gradl, 1945) avant de descendre dans le sol dans la partie superficielle du réseau racinaire (Lagarde, 1997). La chenille rentre alors en diapause hivernale sur les racines d’herbes (Lafranchis, 2015) et prend une couleur jaune-ocre avec des lignes brunes (Gradl, 1945). Elle restera ainsi jusqu’à la mi-avril sans être trop incommodée par les intempéries (Lagarde, 1997).

Selon les conditions météorologiques locales, la chenille se réveille entre avril et mai (Lafranchis, 2015 ; Lhonoré, 1998) et reprend son activité. Elle terminera sa croissance début juin. L’activité des chenilles étant fortement liée à la chaleur, elles sont susceptibles de sortir de la litière si les températures le permettent, comme l’a constaté Lhonoré en 1998 lors d’une étude en laboratoire.

Chenille de Fadet des Laîches (Bouteloup R., 2012)

Chrysalides

Les chrysalides sont généralement suspendues près du sol sur les feuilles des graminées ou d’autres plantes basses (Lafranchis, 2015 ; Pro Natura, 1987).

Deux à trois semaines plus tard les imagos émergent, plutôt dans la seconde moitié de la matinée, après évaporation de la rosée. Il faut de ¾ d’heure à une heure à l’insecte pour développer et durcir ses ailes (Lafranchis, 2015).

VOL

Le Fadet des Laîches possède un vol particulier, plutôt « indécis », fait de mouvements courts et bondissants au-dessus de la Molinie (Gourvil & al., 2016 ; Orvossy & al., 2010). Il vole relativement proche du sol, entre 20 cm et 2 m (jusqu’à 2,4 m observé en Aquitaine (Bertolini & al., 2013), de façon lente et peu soutenue (Bertolini & al., 2013 ; Claudel, 2003). Les mâles consacrent plus de temps au vol que les femelles (Després & al., 2016 ; Bertolini & al., 2013 ; Orvossy & al., 2010 ; Sasic, 2010 ;  Celik & al., 2009a ; Claudel, 2003). Les mâles patrouillent avec des vols pouvant durer plus de 4 minutes et peuvent passer 70% de leur journée en vol lorsqu’il fait beau (Lafranchis, 2015). Les femelles sont plus sédentaires et ne consacrent qu’un quart de leur temps actif à voler pour aller butiner, pondre ou s’enfuir lorsqu’elles sont dérangées (Lafranchis, 2015). Enfin, en raison du caractère protandrique de la population, les mâles sont beaucoup plus nombreux que les femelles au départ avant de décliner dans la seconde moitié de la saison de vol, alors que le nombre de femelles atteint son pic (Celik, 2004).

Les périodes d’activités des papillons sont principalement entre 10-12h et 15-18h (UTC²) (Sasic, 2010) évitant ainsi les heures les plus chaudes de la journée. En effet, lorsque les températures sont trop élevées, les imagos restent posés à l’ombre ou dans la végétation (Gourvil & al., 2016). En Aquitaine, les maxima d’individus observés entre 8h et 18h sont notés entre 10-11h et 15-16h (Bertolini & al., 2013 ; Claudel, 2003).

Le pic de la période de vol est le plus souvent observé à la fin du mois de juin / début juillet. La période de vol diffère selon les conditions climatiques annuelles et locales.

En Aquitaine, des suivis phénologiques de vol réalisés au sein de 3 sites montrent des résultats similaires avec une date d’émergence un peu avant le 15 juin et un pic phénologique durant la dernière dizaine de juin :

  • Tourbière de Vendoire (Dordogne), observations réalisées par le CEN Aquitaine entre 2002 et 2015 (Labourel, 2015) :
    • la durée de vol est en moyenne de 27,6 j ± 3,6 j (minima : 20 j et maxima : 37 j),
    • la date moyenne d’émergence est le 16 juin ± 4,5 j (minima : 09 juin et maxima : 25 juin),
    • la date de fin de vol est en moyenne le 13 juillet ± 4,7 j (minima : 04 juillet et maxima : 22 juillet),
    • le pic phénologique est atteint en moyenne le 23 juin.
  • Etang de Cousseau (Gironde), observation réalisées par la SEPANSO :
    • 1997 : (i) la durée de vol a été de 24 j (17 juin au 09 juillet) et (ii) le pic phénologique a été atteint le 24 juin (Lagarde, 1997) ;
    • 2003 : (i) la durée de vol a été de 32 j (09 juin au 09 juillet) et (ii) pic phénologique a été observé le 18 juin (Claudel, 2003).
  • Tourbière de Mees (Landes), observations réalisées par le CEN Aquitaine entre 2014 et 2016 (Robinet & Beck, 2016; Dupéré & Robinet, 2015 ; Dupéré, 2015) :
    • la durée de vol est en moyenne de 35 j (± 2,7 j) (minima : 31j et maxima : 37j),
    • la date moyenne d’émergence est le 17 juin ± 1,3j (minima : 15 juin et maxima : 19 juin),
    • la date de fin est en moyenne le 20 juillet ± 3,8j (minima : 15 juillet et maxima : 25 juillet)
    • le pic phénologique est observé en moyenne le 02 juillet ± 3,8j (minima : 29 juin et maxima : 08 juillet)

REPRODUCTION

Les ovaires des femelles sont matures en 24 à 36 heures, leurs permettant de s’accoupler habituellement le lendemain de leur émergence (Lafranchis, 2015). L’accouplement peut être fait à tout moment de la journée et peut durer plus d’une heure (Lafranchis, 2015).

En Gironde, Claudel (2003) a observé un accouplement dont les individus sont restés accrochés par l’abdomen, les ailes dirigées vers le sol, pendant 12 minutes avant que le mâle ne se détache et s’envole. La femelle est restée immobile sur le lieu de copulation durant les vingt minutes qui ont suivi. Dans les Hautes-Pyrénées (65), Parde (2014) a observé un accouplement qui a duré plus de 50 min mâle et femelle restant accrochés, volant et se posant ensemble.

Accouplement de Fadet des Laîches (Leenknegt V., 2013)

PONTE

Le choix des sites de pontes par les femelles est dépendant de deux principaux facteurs : (i) distribution homogène de la plante-hôte (de ponte), (ii) hauteur et structure de la végétation (Celik & al., 2014 ; Celik & al., 2009a).

La ponte s’effectue en milieu de journée par temps ensoleillé et chaud (Lafranchis, 2015). Le comportement précédant la ponte est caractérisé par une position statique avec les ailes déployées (Parde, 2014 ; Braü & al., 2010). Les œufs sont pondus isolément (Lafranchis, 2015 ; Celik & al., 2014 ; Parde, 2014 ; Bonelli & al., 2010) ou par groupe de 2 à 4  (Lafranchis, 2015 ; Lhonoré, 1998) en une ligne (Pro Natura, 1987). Ils sont fixés sur les feuilles et les tiges des plantes de ponte. Les femelles pondent très majoritairement sur des plantes vertes (Celik & al., 2014 ; Bonelli & al., 2010). La hauteur de ponte est adaptée selon les conditions météorologiques pour un meilleur ajustement soit avec la lumière directe du soleil soit avec la chaleur du substrat (Celik & al., 2014), ce qui est également observé chez d’autres Satyrinae (Weking et al., 2013 ; Möllenbeck et al., 2009). Cette particularité implique deux comportements de pontes différents chez la femelle :

  • La femelle reste posée à mi-hauteur dans la végétation herbacée où elle va pondre entre 5-20 cm et 30-40 cm au-dessus du sol (Després & , 2016 ; Lafranchis, 2015 ; Parde, 2014), voire plus haut selon la hauteur moyenne de végétation (Celik & al., 2014).
  • La femelle descend, soit en marchant soit en tombant, dans la litière (Lafranchis, 2015 ; Celik & , 2014 ; Parde, 2014). Dans les landes humides à Molinie, la structure de végétation comprend de nombreuses trouées liées à la présence d’arbustes nains (Ericacées) et à des variations de hauteur de la litière. Cette « micro-topographie » est recherchée par la femelle pour pondre. Celle-ci ira déposer les œufs en bordure de ces trouées, de façon à ce qu’ils soient bien exposés au soleil. La litière jouant le rôle d’un tampon micro-climatique (Celik & al., 2014)

Une femelle pond entre 63 et 89 œufs (Wiemers, 2007) voire entre 80 et 120 œufs dans le Sud-Ouest (Lafranchis, 2015). Des données de Capture-Marquage-Recapture (CMR) réalisées sur la Réserve Régionale de Baraggia (Italie), ont permis de mettre en évidence que les femelles, au cours de la ponte parcouraient en moyenne jusqu’à 60 m, avec un maximum observé de 359 m (Bonelli & al., 2010).

Les femelles ne sont pas sélectives en ce qui concerne le substratum de ponte (e.g. espèce végétale ou la position exacte sur la plante) (Celik & al., 2014). Comme de nombreuses observations le montrent, les œufs sont principalement déposés sur la plante dominante et structurante du cortège (Celik & al., 2014 ; Bonelli & al., 2010 ; Sielezniew & al., 2010). Ce comportement non électif contraste avec d’autres espèces de papillons dont les femelles choisissent une plante de ponte particulière (cas des Phengaris notamment). Néanmoins cela semble être plutôt fréquent pour d’autres Nymphalidae (Fabriciana notamment, Wiklund, 1984). Ce phénomène peut être expliqué par une « vaste » gamme de plantes-hôtes (Celik & al., 2014).

Néanmoins, un facteur important pour le choix de l’emplacement et du support de ponte est la disponibilité de plantes-hôtes à proximité immédiate, i.e. à la portée des jeunes chenilles (Celik & al., 2014 ; Sielezniew & al., 2010).

Le Fadet des Laîches utilise une grande variété de plantes de ponte:

*Support de pontes observés en Aquitaine (Bertolini & al., 2013 ; Dierks, 2006 ; Claudel, 2003)

ALIMENTATION DES IMAGOS

Les imagos sont considérés comme floricoles mais peu butineurs, avec une prévalence pour les Cypéracées (Carex spp.), les Centaurées (Centaurea spp.), les Menthes (Mentha spp.), la Salicaire (Lythrum salicaria), la Bourdaine (Frangula alnus), les Ronces (Rubus spp.) (Bensettiti & Gaudillat, 2002 ; Lhonoré, 1998), la Potentille dressée (Potentilla reptans) (Sasic, 2010 ; CELIK & al. 2009a), l’Inule à feuilles de Saules (Inula salicina), l’Œillet de Balbis (Dianthus balbisii) et la Gratiole officinale (Gratiola officinalis) (Sasic, 2010). Dans une étude, CELIK & al. (2009a) ont mis en avant que la Potentille dressée (Potentilla erecta), plante nectarifère très présente et répandue, ne joue pas un rôle dans la micro-distribution des imagos au sein des stations.

En Aquitaine, des observations d’alimentation des imagos sont notés sur Erica tetralix (Bertolini & al., 2013 ; Claudel, 2003), Erica cinerea (Bertolini & al., 2013) et Rubus sp. (Bertolini & al., 2013).

La prise de nourriture des imagos peut durer jusqu’à 25 minutes si le papillon n’est pas dérangé (Lhonoré, 1998). Néanmoins, les observations de comportement d’alimentation relatées et/ou observées sont peu fréquentes, amenant certains auteurs à penser que C. oedippus se nourrit peu souvent (Bertolini & al., 2013 ; Celik & Verovnik, 2010 ; Sasic, 2010).

PREDATION

Il n’y a pas de prédateur particulier du Fadet des Laîches. Les imagos peuvent être toutefois les proies d’araignées diverses (Thomisides, Araneides (com. pers. Soulet D., etc.) et le vol lent des adultes permet à certains odonates (e.g. Crocothemys spp. (Claudel, 2003), Aeschna spp. (Lhonoré, 1998) et des oiseaux comme des Hirondelles ou des Martinets de les capturer (Lhonoré, 1998). Les chenilles quant à elles sont les proies des rongeurs, des insectivores, de coléoptères adéphages ou de fourmis (Lhonoré, 1998).

Fadet des Laîches dans une toile d’araignée (Bertolini A., 2012)

PARASITISME

Le seul parasite connu de C. oedippus est Diolcogaster abdominalis (Nees 1834) (Hymenoptera : Braconidae) (Wiemers, 2007), une guêpe fouisseuse parasitant les chenilles en pondant leurs œufs à l’intérieur. Cette guêpe est également parasite de Coenonympha tullia (Bourn & Warren, 1997 ; Wiemers, 2007). Pour cette dernière espèce, la larve qui s’y développe tue son hôte avant qu’il ne soit complètement développé et le laisse filer un cocon légèrement laineux (Bourn & Warren, 1997).

BIOLOGIE DES POPULATIONS

TAILLE

Les populations de Fadet des Laîches sont de tailles très variables selon les stations et les zones géographiques. Voici quelques chiffres issus d’études de tailles de populations réalisées à travers l’Europe :

Lieu Nombre d’imagos (année) Types Auteurs
Ljubjansko Barje (Slovénie) 814 (2008)

852 (2009)

Métapopulation Celik & al., 2009b
Réserve Régionale de Baraggia (Italie) 1 404 (2005)

2 141 (2006)

Métapopulation Bonelli & al., 2010
Ocsa (Hongrie) 137 (2005)

273 (2006)

212 (2007)

Population Örvössy & al., 2010
3 000 (2012) Metapopulation Orvössy & al., 2013
Istria (Croatie) 341 (2001)

690 (2002)

Population Sasic, 2010
La Lande (Aquitaine, Gironde) 2 507 (2012) Population Bertolini & al., 2013
Marais de Montfort (Auvergnes-Rhône-Alpes, Isère) 460 (2016) Population Després & al., 2016

Aucune étude n’a été faite pour connaître la taille minimale de population viable de C. oedippus. Lhonoré considère qu’à partir de 20 individus observés, les populations peuvent être importantes, tandis qu’en dessous de 10 individus, il y a de fortes probabilités pour que les populations présentent de très faibles effectifs, posant probablement la question de leur viabilité à long terme (com. pers. in CREN Aquitaine, 2004).

SEX-RATIO

La structure de la population n’est pas équilibrée, les mâles sont plus nombreux que les femelles (Bertolini & al., 2013 ; Bonelli & al., 2010 ; Celik, 2004 ; Lhonoré, 1998).

En Aquitaine, le sex-ratio estimé des populations du Fadet des Laîches est compris entre 3:1 et 4,2:1 selon les sites (Bertolini & al., 2013). D’autres  études affichent un sex-ratio de 1,88:1 (Bonelli & al., 2010) ou 1,39:1 (Després & al., 2016).

Cette forte proportion de mâles au sein des populations peut avoir deux explications :

  • Comme cela a été montré sur certains sites (en Isère : Després & al., 2016), les mâles peuvent vivre plus longtemps que les femelles ;
  • L’espèce étant protandre, les mâles sont plus nombreux que les femelles à l’émergence (Celik, 2004).

Il faut prendre également en compte la biologie de l’espèce qui peut amener un biais à ces chiffres :

  • l’espèce est protandre (Örvössy & , 2010 ; Lhonoré, 1998), il faut donc bien s’assurer que le protocole de suivi couvre bien l’ensemble de la période de vol.
  • les femelles sont moins détectables que les mâles en raison de comportements différents et de moins de déplacements effectués (Sasic, 2010 ; Celik & , 2009a).
  • les femelles sont plus sédentaires et se retrouvent uniquement dans des habitats favorables (Orvössy & , 2013).

DUREE DE VIE

D’une manière générale, les mâles vivent moins longtemps que les femelles (Lafranchis, 2015 ; Bertolini & al., 2013 ; Örvössy & al., 2010 ; Sasic, 2010 ; Celik, 2004), ceci en raison d’une ontogénèse (développement de l’individu, depuis la fécondation de l’œuf jusqu’à l’état adulte) plus courte, une plus grande activité qui les amènent à dépenser beaucoup d’énergie, ce qui réduit leur durée de vie (Celik, 2004).

Des suivis par CMR ont permis de mettre en évidence des durées de vie moyennes des individus de C. oedippus :

Localisation Femelles Mâles Auteurs
France (Aquitaine) 5,2 j (± 3,4 j) 4 j (± 3,4 j) Bertolini & al., 2013
Hongrie Entre 7,18 et 8,58 j Entre 5,04 et 5,74 j Örvössy & al., 2010
Hongrie de 0,7 j  (± 0,5 j) à 7,3 j (± 0,3 j) Orvössy & al., 2013
Croatie Moy. 2,1 j Sasic, 2010

Les maxima de durée de vie observés sont de :

Localisation Femelles Mâles Auteurs
France (Aquitaine) 11 j 15 j Bertolini & al., 2013
Slovénie 26 j 18 j Celik, 2004
Croatie 17 j 17 j Sasic, 2010

TAUX DE SURVIE

Les taux de survie estimés au sein de différentes populations de C. oedippus en Europe sont relativement élevés. Une probabilité de survie autour de 0,8 est typique des espèces de papillons avec une structure de population de type colonial au sein des zones climatiques tempérées (Brakefield, 1982).

Différentes études ont montré une similitude dans le taux de survie :

Localisation Femelles Mâles Auteurs
France (Aquitaine) 0,85 (± 0,14) 0,85 (± 0,14) Bertolini & al., 2013
Italie de 0,68 à 0,70 de 0,75 à 0,79 Bonelli & al., 2010
Hongrie de 0,78 à 0,89 de 0,78 à 0,89 Örvössy & al., 2010
Hongrie de 0,82 (± 0,04) à 0,87 (± 0,08) de 0,22 (± 0,18) et 0,79 (± 0,02) Orvössy & al., 2013

MOBILITE

Le Fadet des Laîches reste peu mobile au sein de son habitat. D’une manière générale les femelles volent moins et sont plus sédentaires que les mâles (Bertolini & al., 2013 ; Celik, 2004). Les mâles parcourent donc une distance plus grande que les femelles qui ont une fidélité plus stricte au site (Després & al., 2016 ; Bonelli & al., 2010). Il a été montré que les mouvements des mâles sont dépendants de la taille de la parcelle, de la distribution et de la densité des femelles (Celik & al., 2009a).

Des études réalisées en Croatie ont montré que les distances parcourues par les individus entre deux points de capture sont relativement faibles (Sasic, 2010). La distance moyenne entre deux recaptures consécutives observées en Hongrie par Örvössy & al. (2010) est de 38,3 m, les mâles se déplaçant plus fréquemment et sur de plus longues distances au cours d’un vol (en moyenne 10-15 m) que les femelles (en moyenne 0,2-4 m).

POTENTIEL DE DISPERSION

C. oedippus a un faible potentiel de dispersion par comparaison à d’autres espèces de papillons diurnes. Une des premières publications sur l’espèce faisait déjà mention de sa faible capacité de dispersion (Seitz, 1906). Pour exemple, les taux de migration annuels de l’espèce ont pu être estimés entre 2,2 % et 6,7 % entre deux populations distantes de 63 m (Celik, 2003 in Celik & al., 2009b).

Des données de dispersion linéaires moyennes ont également été calculées sur certains sites (Bertolini & al., 2013) :

  • 258 m pour les mâles et 121 m pour les femelles sur les tourbières de Mées (Landes) ;
  • 302 m pour les mâles et 256 m pour les femelles sur le site de La Lande (Gironde).

Les secteurs géographiques où ont été menées la majorité des études comprenaient principalement des populations non structurées en métapopulation, expliquant ainsi le faible nombre d’informations sur le sujet. Dans le cas de dispersions avérées, le faible nombre de migrants observés (souvent unique) ne permet de fournir que de « simples » indications de distances. Les études menées en Slovénie ont montré que la plupart des migrants observés sont des mâles (Celik & al., 2009b). Bien qu’anecdotique, sont mentionnés ci-dessous quelques déplacements maximums observés en Europe :

Localisation Distance maximale observée Auteurs
Slovénie 399 m Celik & Verovnik, 2010
Italie 419 m Bonelli & al., 2010
Mées (Landes, France) 1 303 m (mâle)

771 m (femelle)

Bertolini & al., 2013
La Lande (Gironde, France) 2 607 m (mâle) Bertolini & al., 2013

La cause d’absence de migration entre les populations de C. oedippus au sein d’un métasite est principalement l’imperméabilité de la matrice et la fragmentation des habitats (Celik & al., 2009b ; Lhonoré & Lagarde, 1999).

La hauteur de vol maximale observée en Aquitaine est de 2,40 m et la zone de vol préférentielle est estimée jusqu’à 1,25 m (Bertolini & al., 2013). Un comportement qui explique une dispersion facilement arrêtée par une bande boisée relativement étroite (Bonelli & al., 2010), si la densité d’arbres est élevée, ou même un grillage avec de petites mailles (com. pers. Desjouis, 2018). En revanche la reproduction du Fadet des Laîches en  landes humides plantées (jeunes pinèdes et pinèdes en fin de cycle sylvicole) démontre qu’il peut traverser des structures de végétation arborées pour peu qu’elles soient suffisamment ouvertes et possèdent un sous-bois herbacé.

DYNAMIQUE DES POPULATIONS

Les paramètres de populations de l’espèce sont encore mal connus, mais le maintien des populations du Fadet des Laîches dépendrait essentiellement de la préservation des dynamiques de métapopulations (Örvössy & al., 2013 ; Celik & al., 2009b ; Lhonoré & Lagarde, 1999). Des modèles pour différentes espèces de papillons ont montrés que dans la plupart des cas, 3 à 5 immigrants suffisent pour assurer la pérennité d’une population déclinante et qui serait alors éteinte sans cet approvisionnement (Stacey & al., 1997).

METHODOLOGIES D’INVENTAIRES ET DE SUIVIS

CONDITIONS METEOROLOGIQUES

Les conditions de vents forts sont un frein à l’activité des individus et par conséquent à leur détection (Bertolini & al., 2013 ; Celik & al., 2009b ; Claudel, 2003). En effet, C. oedippus ne semble pas pouvoir contrôler sa direction lors d’un vol par vent fort (Claudel, 2003).

La couverture nuageuse n’a pas un influence significative sur la détectabilité des individus mais une forte couverture nuageuse peut diminuer le comportement de vol de l’espèce (Bertolini & al., 2013).

Durant les périodes chaudes, les papillons se placent dans la végétation pour assurer leur thermo-régulation les rendant, de fait, moins visibles (Bertolini & al., 2013 ; Celik & al., 2009a). D’après les observations réalisées dans le cadre du programme des papillons menacés des zones humides d’Aquitaine, les conditions de températures optimales pour l’observation du Fadet des Laîches semblent être entre 21°C et 26°C (Bertolini & al., 2013). Sasic (2010) relate qu’aucun individu n’est observé au-delà d’une température de 35°C. La meilleure période pour observer les papillons est donc entre 10-14h et 15-18h, ces tranches horaires variant légèrement selon les auteurs (Sasic, 2010 ; Bertolini & al., 2013 ; Claudel, 2003).

Bertolini & al. (2013) ont montré que l’heure de la journée n’influe pas réellement sur l’abondance des papillons en vol, mais des pics d’activité ont été observés aux horaires mentionnés précédemment. D’une manière générale, les auteurs recommandent, lors des journées chaudes en Aquitaine, de réaliser les sessions de prospection avant 12h puis entre 14 et 16h l’après-midi.

De nombreux auteurs se basent sur les critères de sélection des températures établis par Pollard & Yates (1993).

DETECTABILITE

Dans le contexte aquitain, des analyses ont montré que la prospection par transect permet de détecter un individu selon une probabilité d’à peu près 1/3 (entre 26% et 36%) (Bertolini & al., 2013). Cette information signifie qu’en allant plusieurs fois sur un transect visité, tous milieux confondus et à différents moments de la période de vol, l’espèce est détectée seulement 1 fois sur 3.

METHODES DE PROSPECTION

Dans une démarche prospective ou de vérification de présence de l’espèce sur un site, les étapes suivantes peuvent être mises en place (Selezniew & al., 2010 ; Celik & al., 2009b) :

  • Identifier les habitats favorables dans les zones d’occurrence de l’espèce ;
  • Arpenter de manière aléatoire les habitats favorables pendant la période du pic phénologique de vol et au cours d’une journée favorable ;
  • Prendre pour chaque habitat une photo d’ensemble et évaluer l’état de conservation de l’habitat ;
  • Pour chaque habitat prospecté noter : le nombre observé d’individus, la date, les coordonnées précises des observations, le temps de parcours, le nom de l’observateur, les conditions météorologiques (Température, vent, % de nébulosité) et les perturbations observées sur l’habitat ;

En raison de la faible détectabilité de l’espèce (cf. paragraphe « Détectabilité ») et afin de déterminer la présence ou l’absence de l’espèce sur un site, il est recommandé de réaliser a minima 3 passages pendant le pic de vol de l’espèce.

METHODES DE SUIVI INTERANNUEL

La sélection d’un protocole de suivi dépend avant tout de son objectif et des hypothèses de suivi. Dans ce paragraphe, des exemples de protocoles de suivi réalisés en Aquitaine sont présentés. Ces protocoles sont à adapter selon les sites et les objectifs de suivi.

Sont présentés ci-après 3 protocoles de suivi phénologique :

  • Tourbière de Vendoire (24), suivi réalisé annuellement par le CEN Aquitaine depuis 2002 (CREN Aquitaine, 2002) :
    • Parcours dans une section homogène choisie pour son caractère significatif ;
    • Parcours réalisé par beau temps et sur une durée définie ;
    • Les papillons sont comptés à vue sur une bande d’une largeur de 5 m ;
    • L’opération est répétée sur une fréquence de 2 fois par semaine ou tous les 3 jours (w.e. inclus).
  • Etang de Cousseau (33), suivi réalisé en 1997 et 2003 par la Sepanso (Claudel, 2003) :
    • Parcours de 300 m pour chacune des zones suivies ;
    • Le transect est parcouru à allure constante ;
    • Tous les individus observés sont comptés sur une bande de 3 m à droite et à gauche ;
    • Le comptage est réalisé avant midi solaire (14h) ;
    • Le comptage est répété trois fois par semaine (lundi, mercredi, vendredi) lorsque les conditions météorologiques le permettent et ceci durant toute la période de vol.
    • L’ordre de parcours des transects est changé à chaque journée de comptage.
  • Tourbière de Mées (40), suivi réalisé par le CEN Aquitaine depuis 2006 (CREN Aquitaine, 2007)
    • Des transects sont disposés sur des sections de végétation homogène où les plantes-hôtes ont un fort indice d’abondance-dominance (>25% pour Molinia caerulea) ;
    • Les transects sont délimités par des repères naturels afin de les retrouver chaque année ;
    • Un transect peut être divisé en plusieurs sections s’il traverse des variations de structures de végétation ou de modes de gestion ;
    • Les relevés sont effectués sur l’ensemble des transects tous les 3 jours durant la période de vol ;
    • Les relevés sont réalisés à horaires fixes, lorsque l’activité du papillon est au maximum ;
    • Tous les individus observés sont comptés sur une bande de 5 m.

Est présenté ci-dessous un protocole de suivi de présence interannuel :

  • Landes humides de Lacampagne et de Sud de Cap de Manes dans la commune d’Orthez (64) (Leenknegt, 2017) :
    • Plusieurs transects de 30 m sont tirés de façon aléatoire au sein des sites, leur nombre est dépendant de la surface des sites ;
    • 3 passages sont réalisés lors du pic phénologique de vol (fin juin – début juillet) aux heures chaudes (11h – 16h), par temps sec et sans vent ;
    • Le nombre d’individus est comptabilisé le long des transects sur une largeur de 2 m de part et d’autre du tracé ;
    • L’opération est renouvelée chaque année.

Ces protocoles permettent d’effectuer une veille de la population sur un site et d’obtenir un indice annuel d’abondance de l’espèce par un moyen relativement peu « couteux ». En effet, la méthode standardisée des transects d’observation (Pollard, 1982) est bien adaptée pour obtenir un indice annuel d’abondance (Bensettiti & Gaudillat, 2002). Dans cet objectif, Celik & al. (2009b) préconisent un suivi par cette méthode sur un pas de temps de 2 ans.

ANALYSES STATISTIQUES

La mise en place d’un protocole standardisé permet le calcul de certains indicateurs :

Indice d’abondance par transect :

Densité par transect avec I en individus par hectare et surface échantillon en m² :

Moyenne de l’indice d’abondance/densité avec écart-type pour chaque transect et pour chaque site.

Dans les cas d’une forte hétérogénéité entre zones d’étude et d’un risque d’abandon de certaines zones suivies, le calcul de l’indice d’abondance relatif à chaque zone est préférable à celui relatif à l’ensemble du site (Claudel, 2003).

METHODES D’ETUDE DES POPULATIONS

PRECISIONS SUR LE PROTOCOLE CAPTURE-MARQUAGE-RECAPTURE (CMR)

La méthode de Capture-Marquage-Recapture (CMR) est considérée comme la meilleure méthode pour obtenir une estimation réelle de différents paramètres de population (Taron & Ries, 2015 ; Haddad & al., 2008). De plus, elle permet également d’étudier la dispersion et la dynamique de populations et métapopulations (Polic & al., 2014).

L’utilisation de la méthode CMR permet d’estimer la probabilité de détection des individus pour mieux en estimer leur abondance sur un site.

Pour qu’une démarche de CMR soit valide, il faut que :

  • la probabilité de capture doit être la même pour tous les individus.
  • les individus aient au moins trois chances d’être capturés dans leur vie (Pellet & , 2012 ; Pellet & Gander, 2009). En effet, la durée de vie moyenne de l’individu va conditionner la fréquence des passages durant la durée d’étude. Ceci va permettre d’obtenir des « histoires de capture » (e.g.1-0-1) permettant de calculer la probabilité de capture.
  • la population soit « théoriquement close », e. qu’il ne doit y avoir aucun changement de taille de population induit par la naissance, la mortalité, l’immigration et l’émigration. Des méthodes statistiques existent pour corriger ces effets.
  • la démarche soit composée de 2 sessions de captures a minima, idéalement plus.
  • les marques ne doivent pas se dégrader, devenir illisible et disparaître. Le processus d’analyse statistique sous-jacent à la démarche conduira à une surestimation de la population.
  • Le marquage n’affecte pas le comportement des individus.

Cette méthode est à éviter pour des populations à faible effectif.

MISE EN ŒUVRE DU PROTOCOLE DE CAPTURE-MARQUAGE-RECAPTURE (CMR)

La méthode unanimement employée pour l’étude de la structure d’une population de C. oedippus est celle dites de la « Capture-Marquage-Recapture » (CMR) (Bertolini & al., 2013 ; Bonelli & al., 2010 ; Örvössy & al., 2010 ; Sasic, 2010 ; Celik & al., 2009b ; Celik, 2004 CREN Aquitaine, 2002 ; Lhonoré, 1998). L’ensemble des observations obtenues par cette méthodologie vont permettre d’évaluer différents paramètres de population : taille, densité, durée de vie, sex-ratio, taux de recapture, déplacements, dispersion.

La méthode consiste à :

  • Mettre en place des parcours de capture. Plusieurs méthodes de parcours ont été utilisées :
    1. le long de transects espacés de 5 à 10 m sur l’ensemble du site ;  dans le cas d’une habitat linéaire et étroit (maxima de 10 m de large) un transect linéaire suffit (Després & , 2016 ; Celik & al., 2009b).
    2. Le long de trajets prédéfinis parcourant la zone (Sasic, 2010).
    3. en partant du centre de la zone jusqu’à une extrémité du site en se déplaçant en « zig-zag » (Bertolini & , 2013).
    4. De façon aléatoire sur le secteur pendant une durée déterminée (15 à 30 minutes) (Roques, 2014).
  • Capturer l’ensemble des papillons observés.
  • Marquer (lors de la première prise) l’identifiant de l’individu à l’aide d’un feutre indélébile, ultra-fin, sans solvant (Bertolini & , 2013) au revers des ailes (Bertolini & al., 2013 ; Lhonoré, 1998), sur le côté ventral gauche de l’aile (Sasic, 2010), puis le libérer sur le point de capture. Cette opération se réalise au travers des mailles du filet après immobilisation du papillon (Bertolini & al., 2013)
  • Noter, lors de chaque capture d’un individu : la date, l’heure, les coordonnées GPS, l’identifiant du papillon (s’il a déjà été capturé, sinon lui en attribuer un), le sexe, l’état du papillon le comportement du papillon, plante sur laquelle est observée l’individu (sauf lorsqu’il est en vol).
    1. Les individus peuvent être localisés par (i) un pointage par GPS (Bertolini & , 2013) ou (ii) la réalisation d’un quadrillage de l’ensemble de la station par 5m x 5m (Örvössy & al., 2010) ou 10m x 10m (Celik, 2004) et localiser l’individu au sein du quadrat.
    2. L’état du papillon peut être évalué par un indice allant de 1 (individu nouvellement mué) à 4 (individu très abimé en fin de vie).
    3. Comportement du papillon : vol, repos, reproduction, alimentation et ponte.
  • Prospecter uniquement lors de conditions météorologiques favorables et de 10h à 17h – heure d’été européenne (cf. « Conditions météorologiques »). Privilégier les recaptures à distance avec l’aide de jumelles et si impossibilité de lire l’identifiant avec le filet (Bertolini & al., 2013).
  • Couvrir l’ensemble de la période de vol de l’espèce, de la première occurrence des imagos jusqu’à leur disparition totale (cf.   « Vol » pour les dates).
  • L’effort d’échantillonnage est variable selon les études, mais il semblerait être principalement d’un pas de temps de 3 jours :
    1. Un passage quotidien lorsque la météo est favorable (Örvössy & , 2010 ; Sasic, 2010 ; Celik, 2004) ;
    2. Un passage tous les deux jours (Örvössy & , 2010 ; Després & al., 2016)
    3. Un passage tous les 2 à 3 jours par semaine (Roques, 2014 ; Lhonoré, 1998) ;
    4. Un passage tous les 3 jours, pour une durée de 2h par session de CMR, à raison de 2 fois par jour et par secteur (Bertolini & , 2013) ;
    5. Tous les 3 ou 4 jours ; mais si l’intervalle sans échantillonnage est supérieur à 5 jours mise en place d’un échantillonnage tous les 2 jours (Celik & , 2009b).

Dans une étude, Celik & al. (2009b) ont évalué que pour 8 jours d’échantillonnage répartis sur l’ensemble de la période de vol, ils obtiennent des résultats statistiques robustes et proches de ceux obtenus à partir des données issus de 15 jours d’échantillonnage.

  • Dans le cadre d’un suivi à long terme des populations de oedippus, répéter l’échantillonnage par CMR tous les 4 ans. Toutefois, si une baisse de plus de 20% est observée par rapport à l’échantillonnage précédent, ils recommandent de répéter l’opération l’année suivante (Celik & al., 2009b).

Des réflexions sur le protocole de la CMR ciblé sur les lépidoptères sont conduites afin de minimiser les conséquences sur les milieux et les populations et de nouvelles méthodologies sont en cours d’élaboration.

Cette méthode nécessite au préalable une connaissance fine des unités écologiques des stations, c’est pourquoi elle doit être précédée par la réalisation d’une cartographie de végétation (Roques, 2014 ; Bertolini & al., 2013)

Marquage réalisé sur un Fadet des Laîches (Royer L., 2012)

TAUX DE RECAPTURE

Le taux de recapture de l’espèce est relativement faible. Voici quelques exemples :

Mâles Femelles Pays Auteurs
0,18 – 0,19 0,11 – 0,13 Italie Bonelli & al., 2010
0,40 – 0,53 0,22 – 0,38 Hongrie Örvössy & al., 2010
0,33 Croatie Sasic, 2010
0,10 – 0,27 France (Poitou-charentes) Roques, 2014

ANALYSES STATISTIQUES

La méthode de la CMR permet a posteriori, au travers de divers modèles statistiques, d’estimer la population totale, le taux de survie journalier, la probabilité de capture journalière et la population journalière.

Pour traiter les données issues du protocole, plusieurs logiciels sont disponibles et proposent des formules prédéfinies prenant en compte un maximum d’indices en fonction des paramètres que présente la population étudiée. Parmi les nombreux logiciels d’analyses de populations, on peut citer POPAN5 (Arnason  A.N & Schwarz C.J., 1999) et MARK (Cooch E.G. & White G.W., 2002), ce dernier étant un peu plus complexe. Les modèles d’étude de populations POPAN sont contenus dans l’interface MARK.

Le lien suivant présente une diversité de programmes téléchargeables et adaptés à l’analyse de données populationnelles : http://www.phidot.org/software/

SUIVIS DE POPULATION REALISES SUR C. OEDIPPUS

En raison de la très lourde contrainte qu’imposent les études de structures de populations du Fadet des Laîches, seules quelques-unes ont été menées en France :

  • les Tourbières de Vendoires (Dordogne) en 2002 (CEN Aquitaine) ;
  • les Tourbières de l’Estiraux et de l’Estanque (Landes) en 2011 (CEN Aquitaine) ;
  • Zones humides de La Lande (Gironde) en 2012 (CEN Aquitaine) ;
  • les Landes de Montendre (Charentes Maritime) en 2013 et 2014 (CREN Poitou-Charentes & Nature Environnement 17) ;
  • le Marais de Monfort en 2016 (CEN Isère / LECA).

MENACES ET EVOLUTION DES POPULATIONS

MENACES ET EVOLUTION DES POPULATIONS

Coenonympha oedippus fait partie des papillons les plus menacés en Europe (Van Swaay & al., 2010 ; Bensettiti & Gaudillat, 2002) :

  • oedippus a disparu de la moitié du continent eurasien (Kudrna, 1986).
  • Les populations du Fadet des Laîches ont régressé de 80% au cours des 30 dernières années à l’échelle européenne (Van Swaay, 1999).
  • L’Atlas du risque climatique pour les papillons européens (Settele et , 2008) a placé l’espèce dans la catégorie « risque de changement climatique (R) » en raison de la perte de plus de 50% de son aire actuelle dans les prochaines années selon au moins un des trois scénarii simulés.

Les facteurs de menace les plus importants sont :

  • l’assèchement ou la destruction directe des zones humides (urbanisation, aménagements, mise en culture) (Bubova & al., 2015),
  • le développement des ligneux (recolonisation naturelle, plantations) (Bubova & al., 2015 ; Celik & , 2009b ; Bensettiti & Gaudillat, 2002),
  • les modifications des pratiques agricoles (produits phytosanitaires, intensification agricole) (Bubova & al., 2015),
  • La réduction des cycles sylvicoles : mise en place de cycles courts dans la production de pins = réduction du nombre d’éclaircies et/ou diminution du nombre de parcelles suffisamment mâtures pour développer un sous-bois à Molinie favorable.
  • la modification de la structure du paysage (Celik & , 2009b)

La survie à long terme de l’espèce est principalement menacée par la fragmentation et l’isolement des populations (Lhonoré & Lagarde, 1999). Néanmoins, le déclin actuel des populations semble plus expliqué par un changement de la structure de la végétation et de la composition floristique que par une réduction de la surface des stations (Celik & al., 2009b). Par exemple, en Italie, les causes de disparition de l’espèce sont davantage liées à l’évolution de l’habitat (97%) qu’à sa destruction (Bonelli & al., 2010).

D’une manière générale, les principaux facteurs qui limitent la survie de C. oedippus sont (Celik & al., 2009b) :

  • le degré élevé de fragmentations de l’habitat,
  • le faible taux de dispersion des imagos,
  • la faible probabilité de migration réussie des femelles,
  • la petite taille des populations locales,
  • une gestion inappropriée.

STATUTS

STATUTS REGLEMENTAIRES

Européen : Annexe II et Annexe IV de la Directive 92/43/CEE (Directive Habitats Faune-Flore).

Annexe II de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (Convention de Berne)

National : Article 2 de la liste des insectes protégées sur l’ensemble du territoire (Arrêté interministériel du 23 avril 2007 fixant la liste des insectes protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection)

LISTES ROUGES

EU (géographique) : EN

EU27 (Union Européenne) : LC

Fr : NT

Aquitaine : VU

PRISE EN COMPTE DE L’ESPECE

GESTION A L’ECHELLE DU SITE

Préconisations générales

Le Fadet des Laîches occupe des habitats relativement variés qui sont aujourd’hui bien connus (cf. § « Habitats naturels »). En revanche, les pratiques de gestion courante permettant de maintenir le milieu favorable pour l’espèce semblent moins précisément définies. Au regard de l’autoécologie de l’espèce, les opérations de gestion à l’échelle d’une station répondent à trois objectifs principaux : (i) conserver le fonctionnement hydrologique du sol, (ii) préserver/restaurer le cortège floristique optimal et (iii) préserver une structure de végétation optimale.

Plus que la composition floristique, la hauteur de végétation et la présence de litière sont les éléments essentiels conditionnant le maintien de l’espèce (ponte, survie larvaire) sur un site (Braü & al., 2016 ; Celik & al., 2014). Les caractéristiques générales de l’habitat à favoriser par d’éventuelles mesures de gestion/restauration sont (Braü & al., 2016 ; Després & al., 2016 ; Celik & al., 2014 ; Roques, 2014 ; Lhonoré, 1998) :

  • une couverture de plantes-hôtes homogène,
  • une hauteur moyenne de végétation entre 20 et 80 cm,
  • un faible développement des strates ligneuses hautes (arbustives et arborées),
  • une diversité floristique typique des landes humides et comprenant des éricacées basses,
  • une litière développée présentant une microtopographie diversifiée nécessaire à la survie larvaire.

Au regard de la biologie de l’espèce, l’élément le plus important à prendre en compte pour une gestion est la période d’intervention. Il est primordial de réaliser les interventions durant la diapause des chenilles : théoriquement de fin octobre à début mars. Cependant, la chenille peut être amenée à se réveiller selon les conditions climatiques locales (cf. paragraphe). Afin de limiter au maximum l’impact de la gestion sur les chenilles, la période la moins risquée se situe entre décembre et février.

Au regard de la littérature et des expériences relatées, il semble difficile aujourd’hui de mettre en avant une pratique plus bénéfique qu’une autre pour l’espèce (Braü & al., 2016 ; Bubova & al., 2015 ;  Celik & al., 2014 ; Roques, 2014 ; Lhonoré, 1998). Néanmoins, quelques principes font consensus :

  • Ne pas entretenir sur de vastes surfaces, mais mettre en place un système de rotation (fauche, débroussaillage, pâturage).
  • Eviter les fauches rases et le gyrobroyage qui vont détériorer les touradons de Molinie et le sol ;
  • Selon le contexte (types d’habitat, surface, dynamique de végétation) l’export de la litière accumulée au sol n’est pas obligatoire ;
  • Maintenir quelques ligneux sur les parcelles ;
  • Ne pas drainer, fumer, combler ou dégrader de toute autre manière les stations (visites fréquentes, circulation de véhicules) ;

L’objectif des mesures de gestion est d’enrayer une modification de la structure et de la composition floristique du milieu (Lhonoré & Lagarde, 1999). Parmi ces modifications, la plus fréquemment rencontrée est la fermeture du milieu (entrainant la disparition des plantes-hôtes), cette dynamique étant souvent provoquée par des perturbations hydrologiques (drainage, plantations).

Cependant, les conditions hydrologiques d’une station dépassent généralement son périmètre, ce qui rend leur contrôle difficile : cela explique que la majorité des exemples d’actions mises en place soient ciblées principalement sur la gestion de la végétation.

Fauche / débroussaillage

Toute fauche/broyage est à bannir durant la période d’activité du Fadet des Laîches (chenille et imago). Durant cette période, cela affecterait directement la survie de l’espèce : (i) mort des imagos, des chenilles et des œufs déposés, (ii) blessures des imagos, (iii) réduction de la ressource alimentaire et (iv) réduction de la superficie de l’habitat. (Celik & al., 2009b)

Des cas de fauches régulières, réalisées durant la période de vol, ont entrainé des déclins et des extinctions des populations (Braü & al., 2016 ; Celik & al., 2014 ; Baillet, 2011).

La hauteur de fauche ou de broyage doit éviter : (i) une modification de la structure de la végétation du site, (ii) la destruction de l’habitat de l’espèce (touradons de molinie), (iii) une détérioration du sol.

La fauche ne doit pas être pratiquée sur une grande surface ni même trop souvent. Certains auteurs recommandent de mettre en place un système de rotation :

OU

  • Faucher tous les deux ans en alternance sur les différents microhabitats du site (Després & , 2016) ;

OU

  • Faucher en alternance, rarement (au plus tous les deux ans) et a maxima sur la moitié de la surface (Pro Natura, 1987) ;

Une fauche régulière sur l’ensemble du site engendrerait une structure de végétation homogène et uniforme qui peut être préjudiciable pour l’espèce (Braü & al., 2016 ; Celik & al., 2014).

L’export des produits de la fauche ne fait pas l’unanimité dans la bibliographie : certaines recommandations de gestion préconisent de l’exporter (Demerges & Luquet, 2007), mais plusieurs études récentes recommandent au contraire de l’y laisser sans la broyer (Després & al., 2016 ; Celik & al., 2014). Il a été mis en avant le rôle important de la litière dans l’accomplissement du cycle biologique de l’espèce (Braü & al., 2016 ; Celik & al., 2014). De plus, des études ont montré qu’une couche de litière peut ralentir la succession secondaire de l’habitat naturel en empêchant la germination des arbustes (Ruprecht & Szabo 2012) affectant par conséquent la structure, la composition et la dynamique végétale (Loydi et al., 2013).

Dans le cadre d’une coupe d’arbustes ou autre plantes (Phragmites) pour rouvrir certaines zones, privilégier une intervention manuelle. Si les surfaces à traiter ne sont pas trop importantes, pour de meilleurs résultats, réaliser une coupe manuelle à 30 cm du sol durant la période de vol. C’est à cette période que l’intervention affectera le plus la plante. Des suivis menés depuis 2009 montrent de bons résultats (Celik & al., 2014).

Pâturage

Les retours d’expériences par pâturage sur les habitats de l’espèce semblent contrastés dans la bibliographie :

  • Drouet (1989) relate la disparition d’une population (Isère) au sein d’une prairie humide suite à la mise en place d’un pâturage par les équidés ;
  • Les secteurs des Landes de Montendre (Charente-Maritime) soumis à un pâturage extensif abritent une densité du papillon nettement plus basse que les secteurs gérés par girobroyage (Roques, 2014) ;
  • Les secteurs de l’étang de Cousseau (Gironde) soumis à un pâturage extensif par des poneys landais et des vaches marines abritent des effectifs supérieurs aux secteurs non pâturés (Lagarde, 1997).

Pour donner un exemple de charge pastorale, les landes de l’étang de Cousseau étaient pâturées à hauteur de 0,5 UGB/ha (Lagarde, 1997). Dans tous les cas un pâturage extensif (< 0,5 UGB/ha) est recommandé (Bubova & al., 2015).

Brûlage dirigé

Des populations de Fadet des Laîches sont observées sur des sites gérés par brûlage dirigé (Selezniew & al., 2010 ; Bensettiti & Gaudillat, 2002). Aucun effet négatif ne semble résulter de cette pratique de gestion, même lorsqu’il est appliqué à l’ensemble de la zone (Selezniew & al., 2010). Cela permet de penser que les chenilles survivent aux incendies au début du printemps et que le brûlage, bien que généralement déconseillé voire proscrit, pourrait être considéré comme une forme de gestion favorable à la problématique de la dynamique végétale (Selezniew & al., 2010). Un brûlage par rotation pourrait être une méthode envisageable.

Néanmoins, les peu d’expérimentations de brûlage dirigé et l’absence de suivis scientifiques réalisés ne permettent pas d’affirmer l’utilisation de cette pratique comme mesure de conservation. L’évaluation de cette stratégie pour l’habitat, l’espèce et l’impact à long terme reste encore à faire. Dans tous les cas, le brûlage doit être banni durant la période d’activité maximale de l’espèce : de mars à octobre.

Hydrodynamique

Dans le cadre d’une gestion/restauration d’un site, une étude hydrodynamique du site (historique, situation actuelle et avenir) accompagnée par un suivi des variations de la nappe phréatique sont recommandés (Bensettiti & Gaudillat, 2002). Le Fadet des Laîches vivant au sein de landes humides ouvertes ou en sous-bois de plantations claires de pins maritimes, l’enjeu est principalement la conservation d’un niveau suffisamment élevé de nappe phréatique afin de conserver le caractère humide du milieu (Després & al., 2016 ; Demerges & Luquet, 2007 ; Lafranchis, 2004).

Le comblement des fossés d’écoulement mis en place ces dernières décennies dans les habitats à Fadet des Laîches suffisent pour conserver l’hygrométrie des milieux (Lhonoré, 1998).

GESTION A L’ECHELLE DU PAYSAGE

Généralités

La survie à long-terme de l’espèce dépend de la conservation d’une matrice comprenant des populations sur des habitats optimaux et, entre elles, des habitats favorables à la dispersion. Une réflexion à l’échelle de la métapopulation est donc à privilégier (Örvössy & al., 2013 ; Celik & al., 2009b ; Demerges & Luquet, 2007 ; Lhonoré & Lagarde, 1999). A l’échelle d’une métapopulation, le maintien des petites populations passe par la conservation ou le renforcement des connectivités indispensables au déplacement des individus (Lafranchis, 2004), et une réflexion doit être mise en œuvre pour limiter la fragmentation des habitats (Demerges & Luquet, 2007). Par exemple, la création de corridors par ouverture d’habitats embroussaillés entre les sites peut permettre d’améliorer les déplacements des papillons (Sasic, 2010).

L’absence de suivi d’actions de gestion à l’échelle du paysage ne permet pas de proposer des mesures précises. Mais au regard de la biologie et de l’écologie de l’espèce, des préconisations générales à l’échelle du paysage autour des sites favorables peuvent déjà être fournies (Örvössy & al., 2013 ; Celik & al., 2009b) :

  • Eliminer toutes les menaces pesant sur l’espèce ;
  • Rétablir et entretenir un réseau dense d’habitats favorables à l’accomplissement du cycle biologique de l’espèce ;
  • Entretenir une mosaïque paysagère avec des habitats de faible superficie nécessaires à la dispersion de l’espèce ;
  • Protéger les espaces favorables existants, voire en recréer, y compris au sein d’un territoire urbanisé ou à vocation agricole intensive ;
  • Maintenir ou créer de la perméabilité dans le paysage par des pratiques interventionnistes entre les réseaux d’habitats ;
  • Etablir une gestion extensive des terres agricoles avec un maillage d’habitats. Celle-ci engendre une perméabilité plus élevée de la matrice et favorise les bandes « tampons » limitant les effluents agricoles pouvant modifier la structure et la composition de la végétation ;
  • Eviter l’écobuage sur de grandes surfaces et pendant la période d’activité du Fadet des Laîches (mars à octobre) ;
  • Empêcher la fauche durant les périodes de vol.

Le contexte du triangle landais

En Aquitaine, les principales populations de Fadet des Laîches sont localisées dans le triangle landais, une zone soumise à une pression importante de la sylviculture. Le paysage est donc principalement constitué par un mitage de parcelles forestières délimitées par des pare-feux régulièrement entretenus. Les milieux ouverts sont majoritairement issus des coupes rases ou des parcelles post-tempête et ne sont donc qu’un stade temporaire avant une replantation.

Dans ce contexte, l’espèce semble se maintenir grâce :

  • à la présence de pare-feux maintenus ouverts et constituant des corridors de dispersion (Bertolini & , 2013),
  • à la présence d’une mosaïque de parcelles plus ou moins ouvertes selon les stades du cycle sylvicole,
  • au maintien de milieux naturels humides préservés et gérés (landes humides, bas-marais, etc.) qui constituent des habitats refuges assurant le maintien de populations stables.

La gestion à l’échelle du paysage pour le Fadet des Laîches dans le triangle landais doit donc impérativement passer par une collaboration avec le monde sylvicole afin d’intégrer au mieux l’écologie de l’espèce dans leur cycle de production. Des réflexions sont engagées entre les acteurs de l’environnement, la DREAL Nouvelle Aquitaine et le Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF).

L’une des préoccupations majeure pour l’avenir du Fadet des Laîches à l’échelle du Triangle landais concerne un abaissement des nappes phréatique entrainant un assèchement généralisé des milieux humides. Une étude menée sur deux périodes (1987-1989 et 1998-2000) dans le cadre de l’Inventaire Forestier National a mis en lumière une régression significative des landes humides, notamment sur le nord du département de la Gironde (Collectif, 2010).

Cette tendance globale est d’autant plus préoccupante qu’elle pourrait affecter une proportion élevée des populations de Fadet des Laîches du Triangle landais qui constitue à ce jour le bastion de l’espèce en Europe de l’ouest.

INFRASTRUCTURES ET FADET DES LAICHES

Centrales photovoltaïques

Le développement des énergies renouvelables entraine la création de nombreuses centrales photovoltaïques. En Aquitaine, de nombreux projets photovoltaïques ont été installés sur des secteurs favorables au Fadet des Laîches (ETEN Environnement, 2017). Dans ce contexte, des mesures de réductions d’impacts adaptées peuvent être envisagées lors de la phase travaux (com. pers. Desjouis J., 2018 ; ETEN Environnement, 2017) :

  • Réaliser les travaux lourds en prenant en compte le cycle biologique de l’espèce (durant la diapause).
  • Préférer un travail de la zone par rotobroyage plutôt que par un décapage classique. Cette technique permet de broyer les végétaux en surface sur une hauteur de 5 cm, avec comme avantages : (i) maintien du système racinaire de la Molinie, (ii) maintien d’un sol non compacté favorisant une reprise rapide de la Molinie, (iii) le sol reste à son niveau altimétrique naturel et (iv) l’ensemble des végétaux enfouis structurent le sol pour permettre une circulation avec un engin adapté.
  • Réaliser les éventuels dessouchages à l’aide d’une « pince croque-souche » qui aura pour conséquences de laisser sur place les résidus de souches et évitera une action de terrassement pour boucher les trous.
  • Maintenir le sol en place sous les panneaux photovoltaïques pour permettre une meilleure reprise naturelle de la végétation.
  • Limiter au maximum le recalibrage des fossés et le drainage de la zone.

A la faveur de ces préconisations, la lande à Molinie se redéveloppera rapidement, sous et entre les panneaux. Les premiers retours montrent qu’à partir de la deuxième année après les travaux, la densité de couverture de la lande à Molinie sous les panneaux peut être maximale (ETEN Environnement, 2017).

Les entretiens, nécessaires au bon fonctionnement des panneaux photovoltaïques, doivent prendre en compte l’écologie du Fadet des Laîches :

  • Fauche mécanique, ou débroussaillage manuel des ligneux trop hauts ;
  • Entretien tardif réalisé en période de diapause de la chenille;
  • Favoriser un entretien alterné ;
  • La fréquence des entretiens dépend de la dynamique de végétation du site et de l’usage du sol, les chemins d’accès devant être entretenus plus régulièrement que sous les panneaux.
  • L’entretien doit également proscrire les apports d’engrais organiques ou minéraux ainsi que l’utilisation de produits phytosanitaires.

A ce jour, aucun suivi scientifique n’a permis d’évaluer le réel impact de l’implantation de panneaux photovoltaïques sur les populations de Fadet des Laîches.

Une étude menée par le bureau d’étude Eten environnement a été réalisé sur un parc photovoltaïque en 2017 (Deschamps, 2017). Lors de cette étude, une comparaison de la densité de Fadet a été réalisée entre 9 sites photovoltaïques dont les travaux ont été réalisées 3 ans auparavant et 9 sites témoins répartis dans les Landes et en Gironde. Cette étude a permis de mettre en évidence :

• La présence de populations sur les parcelles photovoltaïques ;

• La densité des populations dans les parcs photovoltaïques sont plus faibles que dans les sites témoins.

Ainsi, les parcs photovoltaïques peuvent accueillir des populations de Fadet des Laîches, mais la qualité de l’habitat dégradée par les installations et la gestion mise en œuvre, vont limiter l’installation et la pérennité de l’espèce sur ces sites.

On manque encore d’études menées sur du long terme pour évaluer l’utilisation des parcs photovoltaïques sur le Fadet des Laîches, néanmoins à court terme ces parcs peuvent être utilisés comme corridors de déplacements et parfois abriter des populations qui restent limitées par l’artificialisation des parcelles et la gestion mise en œuvre.

En permettant le maintien d’une végétation de lande à molinie sur du long terme (au moins en périphérie des panneaux), l’installation de parcs photovoltaïques semble être moins préjudiciable au maintien de populations de Fadet des Laîches sur des parcelles comparativement à une mise en culture.

Réseau de Transport d’électricité (RTE)

[En cours de rédaction]

BIBLIOGRAPHIE

BIBLIOGRAPHIE

AISTLEITNER E. & AISTLEITNER U., 1996. Die Tagfalter des Fürstentums Liechtenstein (Lepidoptera: Papilionoidea und Hesperioidea). Naturkundliche Forschung im Fürstentum Liechtenstein, Band 16, Vaduz, 162p. LIEN

Arnason  A.N & Schwarz C.J., 1999. Using POPAN-5 to analyse banding data. Bird Study, 46 (suppl.) : 157-168. LIEN

BAILLET Y. 2011. Suivi et bilan des Lépidoptères protégés (Maculinea teleius & Coenonympha oedippus) et complément d’inventaire des lépidoptères diurnes sur l’ENS du Marais de Montfort (Crolles – Isère). Rapport d’étude de Flavia A.D.E., Trept, 71 p. LIEN

Bellour 2013. Etude conservatoire du Fadet des Laîches (Coenonympha oedippus, Fabricius 1767) au sein de l’ENS du Marais de Montfort-36 pages + annexes.

BENSETTITI F. & GAUDILLAT V. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 7 – Espèces animales. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris : pp.271-274. LIEN

Bertolini A., Leclère M., Le Moal T., Robinet C. et Soulet D., 2013. Programme régional « Amélioration des connaissances et conservation de 5 espèces de papillons diurnes menacés des zones humides en Aquitaine ». Bilan de la phase initiale du programme (octobre 2010 – mars 2013). Conservatoire d’Espaces Naturels d’Aquitaine (CEN Aquitaine), 480 pages + annexes.

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WEBOGRAPHIE

Inventaire du Patrimoine Naturel : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/53621

Fiche Coenonympha oedippus

http://www.lepinet.fr